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Chroniques littéraires 
Dans le cadre d’un chapitre que j’ai intitulé « La marginalité, de l’exclusion à la solidarité », j’ai proposé à mes élèves de lire No et moi de Delphine de Vigan, un roman poignant sur l’amitié entre une lycéenne et une jeune sans-abri.


Mon élève Anya a eu un coup de cœur pour ce livre, qu’elle a présenté à l’oral en classe, après avoir pris des notes dans son carnet de lectrice, et je lui ai proposé de lui laisser le clavier pour partager sur Le fil rouge des émotions son avis argumenté…
Je vous invite à dérouler avec elle le fil rouge de No et moi…
Fiche d’identité des personnages principaux
Lou Bertignac
- 13 ans, lycéenne surdouée
- Vit avec sa mère, Anouk (en dépression), et son père, Bernard
- A perdu sa sœur Thaïs
- Amoureuse de Lucas Muller
- Gentille et très attentive aux autres
Nolwenn (No)
- 18 ans, sans-abri
- Meilleure amie de Lou
- Amie de Lucas
- Ex-petite amie de Loïc
- Alcoolique, fumeuse, caractère brut mais tendre envers Lou
Résumé du roman No et moi
Lou, une lycéenne de 13 ans en classe de seconde, a sauté plusieurs classes. Son professeur d’histoire-géographie lui demande de réaliser un exposé. Elle ne sait pas sur quel sujet travailler et propose, un peu au hasard : « les sans-abri ». Le professeur note « les sans-abris », ce qui pousse Lou à se demander comment elle va faire.
Le soir-même, Lou se rend à la gare, un endroit qu’elle aime fréquenter pour observer les gens. Là, elle rencontre une jeune fille qui lui demande une cigarette. Elle engage la conversation et apprend que cette fille s’appelle No, qu’elle a 18 ans, et qu’elle a quitté l’école en classe de 3e. Pour son exposé, Lou pose des questions à No, qui lui décrit la vie d’une personne sans domicile fixe : l’absence d’un abri permanent, la nécessité de mendier pour manger, l’incertitude de savoir où dormir chaque soir, et les nombreux dangers de la rue. Touchée par le récit de No, Lou lui propose son aide.
Un soir où No va très mal, Lou lui suggère de venir chez elle et de rencontrer ses parents. Ces derniers, après quelques réticences, acceptent. La mère de Lou, qui était en dépression depuis la mort de la sœur de Lou et ne parlait presque plus, accepte aussi de rencontrer No. Pour Lou, c’est une immense joie d’entendre sa mère renouer avec la parole après des années de silence.
Lou et son ami Lucas aident No à se préparer pour cette rencontre avec ses parents. No finit par habiter quelque temps chez Lou.
Plongez dans le roman pour découvrir la suite…
…ou poursuivez votre lecture avec les paragraphes suivants, qui dévoilent l’histoire jusqu’à la fin.

No reste chez Lou et trouve un emploi dans un hôtel, mais elle est très mal payée malgré la lourdeur de son travail. Peu à peu, elle recommence à boire et continue de fumer. Pendant une absence de Lou et de ses parents — partis rendre visite aux grands-parents — No reste seule à la maison avec les clés, car elle ne peut pas quitter son emploi. Tout semble bien se passer au début : No envoie des messages et passe des appels pour donner des nouvelles. Mais, progressivement, le contact se coupe, ce qui inquiète Lou et sa famille.
À leur retour, ils découvrent que la chambre de No est vide, jonchée de bouteilles d’alcool abandonnées au sol. Lorsque No revient, le père de Lou lui explique qu’ils ne peuvent plus la garder, pour son propre bien. Il tente de trouver une solution pour qu’elle soit prise en charge, mais No finit par se réfugier chez Lucas, l’ami de Lou, dont la mère est souvent absente.
No rêve toujours de partir en Irlande, où vit son ancien petit ami qu’elle avait rencontré en pensionnat. Elle économisait chaque jour pour le rejoindre, mais, à la fin du livre, on comprend qu’elle n’a plus reçu de nouvelles de lui depuis longtemps. Ses seules informations proviennent des lettres qu’elle lui envoyait, sans réponse.
Un jour, Lou et No décident de partir ensemble, vagabondant sans but précis. No finit par acheter des billets de train, mais Lou, épuisée, s’endort en chemin. À son réveil, elle découvre que No est partie, la laissant seule. Le choc est immense : No l’a abandonnée. Lou rentre chez elle, effondrée, et retrouve ses parents, fous d’inquiétude. Elle pleure toutes les larmes de son corps.
La fin du livre est extrêmement triste : le sort de No reste inconnu. Cependant, un moment de lumière émerge : le professeur d’histoire-géographie, ayant eu vent de ce qu’a fait Lou, lui adresse ces mots : « Ne renoncez pas. » Enfin, dans cet univers sombre, un instant de joie éclot : Lou embrasse Lucas.
Passages clés
➤ La rencontre entre Lou et No
Un des passages qui m’a marquée est le moment où Lou rencontre No pour la première fois car ce premier échange lance une relation touchante et essentielle pour le déroulement du roman.
➤ La disparition de No
Un deuxième passage m’a marquée : le moment où No abandonne Lou, à la fin du roman. Je trouve que c’est injuste envers Lou (même si c’est pour son bien). Ce moment douloureux souligne la fragilité de l’espoir dans un contexte de grande précarité.
Les citations qui m’ont bouleversée
➤ Première rencontre
« Il m’avait semblé qu’elle connaissait vraiment la vie, ou plutôt qu’elle connaissait de la vie quelque chose qui lui faisait peur. »1

➤ L’impuissance
« Notre silence est chargé de toute l’impuissance du monde, notre silence est comme le retour à l’origine des choses, à leur vérité. »
Émotions ressenties pendant la lecture de No et moi

➤ Empathie et tristesse
Tout au long du roman, j’ai été traversée par une grande tristesse, notamment à la fin, où l’incertitude autour de No m’a bouleversée. En imaginant ce qui a pu lui arriver, les pires scénarios me sont venus à l’esprit. Ce roman m’a également rappelé des scènes que j’ai vécues, comme ces fois où, à Lyon, j’ai vu des tentes sous les ponts, abritant des personnes sans domicile. Cela m’a rempli d’empathie pour ces vies si précaires. No, coincée dans un cycle de souffrance, suscite à la fois de la pitié et une frustration face à l’impuissance des personnages autour d’elle.
➤ Stupeur et colère
J’ai ressenti une profonde stupeur : jamais je n’aurais imaginé que No puisse quitter Lou. Cette fin m’a vraiment surprise. Par ailleurs, cela m’a aussi mis en colère : comment peut-on en arriver là, et pourquoi si peu est fait pour aider des personnes dans des situations aussi désespérées ?
➤ De la tendresse
Malgré tout, j’ai ressenti une immense tendresse pour Lou. Ses efforts désintéressés et son dévouement envers No sont admirables et profondément touchants.
Coup de cœur littéraire 
Ce roman m’a profondément touchée, car il ouvre les yeux sur une réalité souvent ignorée. J’ai appris à quel point la vie peut être cruelle pour les personnes sans-abri, bien au-delà de ce que j’imaginais. Il expose sans détour la dureté de notre société face aux plus vulnérables :
« On est capable de laisser mourir les gens dans la rue. » 2
L’histoire montre aussi une vérité poignante : on ne peut aider que celles et ceux qui souhaitent être aidé·e·s. Cette phrase résonne encore en moi :
« No m’avait laissée, No était partie sans moi. » 3

Malgré tout, ce roman offre un véritable message d’espoir et d’humanité à travers les actions de Lou. Son engagement envers No, empreint de sincérité et de dévouement, illustre une solidarité touchante. Chaque geste qu’elle pose témoigne d’un amour profond et désintéressé. La phrase du professeur d’histoire-géo, adressée à Lou à la fin du roman, résonne comme un encouragement puissant :
« – Mademoiselle Bertignac ?
– Oui ?
– Ne renoncez pas. » 4
Cette amitié s’accompagne d’une belle histoire d’amour, qui apporte une touche lumineuse à cet univers sombre. Un moment particulièrement joyeux est celui où Lou et Lucas s’embrassent. Mon personnage préféré est d’ailleurs Lucas, car il est toujours là pour Lou, il est gentil, enthousiaste et attentionné. J’ai adoré ce passage plein de sincérité, où Lou réalise :
« Alors j’ai compris que, parmi les questions que je me pose, le sens de la rotation de la langue n’est pas la plus importante. » 5
Le style, quant à lui, demande une certaine maturité de lecture. Il regorge de sous-entendus qui enrichissent le récit, mais peuvent le rendre moins accessible aux petit·e·s lecteurs·trices.
Ce n’est pas le genre de livres que je lis d’habitude, mais j’ai adoré !
Ce livre m’a beaucoup appris sur la réalité de la vie dans la rue et sur la complexité des relations humaines.
Une belle découverte !
Rédactrice de l’article 
➤ Cet avis a été rédigé par Anya, élève de 5e. Très grande lectrice, Anya aime également dessiner, colorier et écrire des histoires, passer du temps avec sa famille et ses amies, se promener en forêt, marcher dans la neige, contempler les feuilles d’automne, regarder des films avec ses parents, aller au restaurant, voir de beaux paysages et animaux, recevoir et envoyer des cartes postales. Son enthousiasme pour la lecture est communicatif, et je la remercie chaleureusement pour le regard sensible et personnel qu’elle nous offre ici sur No et moi.
➤ Anya sera ravie de lire vos commentaires et d’y répondre directement sous cet article
.

Pour aller plus loin
➤ Le roman No et moi a été adapté au cinéma par Zabou Breitman.
➤ Je vous invite à lire mon article sur la solidarité et l’association SAKADO, qui vient en aide aux sans-abri.

➤ Pour prolonger la réflexion sur l’impuissance et découvrir mes antidotes, je vous encourage à découvrir mon article qui lui est dédié.
N'hésitez pas à partager vos commentaires suite à la lecture de cet article.