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🎙️ Épisode 2 du podcast Le fil rouge des émotions
Dans cet épisode, trois voix se répondent pour dérouler le fil rouge des émotions : celle de la neuroscientifique Catherine Belzung 🧠, celle de mon mari, médecin généraliste et du sport 👨⚕️, et la mienne, professeure de lettres classiques 📚. Ensemble, nous y avons croisé nos regards pour explorer les émotions à la lumière des neurosciences et à travers le prisme de l’art et de la culture. Vous entendrez aussi au début de l’épisode les voix de nos enfants qui, à la manière de l’émission des Petits bateaux sur France Inter, ont eu à cœur de poser une question chacun·e à Catherine Belzung.
▶️ De la colère d’Achille dans l’Antiquité aux périphrases japonaises pour nommer cette émotion, des peintures rupestres aux étapes de maturation du cerveau, nous vous invitons à un voyage culturel et pluridisciplinaire… qui vous fera peut-être voir vos émotions sous un nouveau jour...

🧾Les grands thèmes de l’épisode
➤ Ensemble, nous avons exploré le lien fascinant entre le cerveau, le corps et les émotions, et notamment le rôle clé des émotions dans la prise de décision. Car contrairement à l’idée reçue selon laquelle émotions et raison sont opposées, Catherine Belzung nous a expliqué que les émotions sont en réalité des alliées précieuses pour prendre de bonnes décisions. 🔬
➤ Nous avons également discuté de la régulation des émotions par différentes régions du cerveau, de leur dimension culturelle, historique et genrée, ainsi que de l’impact des mots sur notre expérience des émotions. 🧪
➤ Enfin, nous avons abordé le rôle de l’art dans la transmission des émotions à travers les âges et les cultures. 🎨
🎙️ Un entretien avec une grande scientifique française, passionnée par la vulgarisation de concepts complexes, qui vous invitera à réfléchir sur l’importance des émotions dans votre quotidien. Nous espérons que cet échange vous offrira des clés de compréhension enrichissantes… 🔑
🔊 Belle écoute ! ✨
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📌
Récap : ce que Catherine Belzung a partagé avec nous
Voici un petit florilège de ce moment de vulgarisation scientifique — un aperçu seulement : pour en découvrir toute la richesse, je vous invite à écouter l’épisode complet du podcast ! 🎧
🧠 Mais au fait, qu’est-ce qu’une neuroscientifique ?
Catherine Belzung nous éclaire avec simplicité :
💬 « Les neuroscientifiques sont un peu les spécialistes du cerveau. Nous essayons de comprendre comment le cerveau est engagé dans les différentes activités que nous menons dans notre vie quotidienne. »
Certain·es s’intéressent à la mémoire, d’autres à l’apprentissage… Elle, elle se passionne pour ce qu’il se passe en nous quand nous sommes ému·es.
💡 C’est quoi, une émotion ?
Une émotion, c’est un état déclenché par :
- une stimulation extérieure (un bruit, une image…) ;
- une sensation corporelle (comme une douleur) ;
- ou un souvenir.
Et cela provoque une réponse dans le corps. Frissons, sueurs, cœur qui s’emballe : le corps, lui aussi, « répond ».
🔍 Petite escale étymologique : le mot émotion vient du latin ex (« hors de ») et movere (« mettre en mouvement »). Cette origine souligne l’idée que l’émotion engendre un mouvement, à la fois physique et psychologique.
.
🧩 Y a-t-il un « centre » des émotions dans le cerveau ?
La réponse n’est aussi simple qu’on pourrait le croire…
➤ D’un côté, certaines zones sont activées dans toutes les émotions :
- les aires sensorielles (liées à ce qu’on perçoit autour de nous) ;
- les zones liées à la mémoire ;
- celles qui évaluent si une expérience est agréable ou désagréable (on parle de « valence émotionnelle »),
- celles qui détectent notre état corporel (respiration, rythme cardiaque…) ;
- celles qui nous aident à réguler nos émotions.
➤ D’un autre côté, certaines zones sont plus spécialisées :
- l’amygdale (dans le cerveau, pas dans la gorge 😉), particulièrement liée à la peur ;
- ou encore le cortex cingulaire antérieur, impliqué dans la tristesse.
🧬 Inné ou acquis ?
C’est une grande question. Et comme souvent en sciences humaines, la réponse se situe entre les deux…
D’un point de vue évolutif, les émotions constituent un formidable outil de survie. Par exemple, avoir peur, c’est se protéger ; ressentir du dégoût, c’est éviter un danger. Ces émotions sont innées: elles sont inscrites dans nos circuits neuronaux depuis toujours.
Mais d’autres émotions se construisent par apprentissage. Catherine Belzung évoque une expérience marquante : un bébé, à quatre pattes, hésite à avancer sur une vitre transparente. Que fait-il ? Il regarde le visage de sa mère. Si elle sourit, il avance. Si elle manifeste de la peur, l’enfant s’arrête. L’enfant lit l’émotion de l’adulte et s’en sert comme d’un signal. Une émotion peut dons se transmettre par un simple regard. C’est là toute la puissance du lien social.
💓 🧪 Écouter son cœur ou sa raison pour prendre une décision ?
Pendant longtemps, on a opposé les émotions à la raison, comme si elles étaient des interférences gênantes dans le processus décisionnel. Mais les travaux du neurologue américain Antonio Damasio1 ont changé la donne. Catherine Belzung explique ainsi :
💬 Il faut « non seulement comprendre cognitivement ce qu’est avantageux et ce qui est désavantageux, mais […] il faut aussi avoir cette réponse émotionnelle, qui est ancrée dans le corps du sujet. »
Autrement dit : penser ne suffit pas. Ressentir est essentiel.
Pourquoi ? Parce que ce sont ces marqueurs somatiques (signaux physiques comme une tension ou une accélération du cœur), qui nous avertissent d’un mauvais choix.
🧭 Nos émotions sont donc de véritables boussoles corporelles.
Ce que démontre Antonio Damasio est révolutionnaire dans une culture qui valorise encore une rationalité froide et désincarnée : une décision lucide passe par le corps autant que par l’esprit…
💪 🧠 Peut-on « muscler » son cerveau émotionnel ?
Bonne nouvelle: réguler ses émotions, ça s’apprend ! On ne naît pas avec cette capacité, on la construit progressivement.
💬 « On estime que le cortex préfrontal n’atteint sa pleine maturité que vers l’âge de 25-26 ans. »
Le cortex préfrontal, c’est un peu le chef d’orchestre du cerveau émotionnel. Il nous aide à :
- retenir une réponse impulsive ;
- revoir une situation sous un autre angle ;
- garder notre calme dans la tempête.
Et comme c’est la dernière zone cérébrale à se développer, pas étonnant, donc, que les enfants et les adolescent·es aient tant de difficultés à réguler leurs émotions ! Leur cerveau est encore en plein chantier !

➤ le développement du cerveau, étape par étape ;
➤ les fonctions spécifiques de chaque zone cérébrale.
🖍️ Illustration : Sophie Le Penher
🔁 Deux mécanismes clés de la régulation émotionnelle
1️⃣ L’inhibition : empêcher l’émotion de s’exprimer telle quelle (par exemple, se retenir de répondre sèchement).
2️⃣ La réévaluation cognitive : modifier la façon dont on perçoit la situation (par exemple, avoir la pensée suivante : « Cette personne ne l’a sûrement pas fait exprès »).
💬 « Ces fonctions se déploient progressivement. »
💡 Bonne nouvelle : plus on les utilise, plus on les renforce ! Comme un muscle, l’intelligence émotionnelle se développe avec l’usage : ressentir, observer, comprendre, reformuler, réévaluer…chaque expérience devient un entraînement. Pas avec des haltères, mais avec de la pratique, de la conscience et de la patience !
🗣️ Le langage façonne-t-il nos émotions ?
Le langage ne se contente pas de nommer nos émotions : il contribue à les modeler.
📚 Les cultures n’ont pas toutes les mêmes mots pour dire ce qu’elles ressentent. Chez les Inuits, des dizaines de mots pour désigner la neige traduisent une attention fine à leur environnement. De la même façon, certaines cultures n’ont pas de mot pour la colère, ou utilisent des images : au Japon, on dit « le ventre se soulève ».
[Si ce sujet vous intéresse, je vous conseille la lecture de mon article Le tour du monde des émotions.]
😶 Même les expressions faciales d’émotions ne sont pas universellement lues. Des habitants de Papouasie-Nouvelle-Guinée n’identifient pas forcément les visages d’acteurs occidentaux exprimant la peur ou la colère — et l’inverse est tout aussi vrai.
💬 « ça montre bien qu’il y a, bien sûr, des universaux, mais aussi un certain nombre de variations culturelles. »
🕰️ Et cela évolue aussi dans le temps. Ainsi, dans la Grèce archaïque, les héros comme Achille pleurent leur colère — l’aède Homère emploie l’expression δάκρυα θερμὰ χέων (« larmes brûlantes »). Mais une centaine d’années plus tard, les larmes deviennent associées au féminin, et les héros masculins grecs ne pleurent plus.
🌍 Dans un monde globalisé, savoir décoder les émotions au-delà de sa propre culture devient essentiel.
🎨 L’art : un langage universel des émotions ?
Ce que l’art exprime depuis toujours, les neurosciences commencent à le confirmer : les émotions sont au cœur de l’expérience humaine.

Prenons la grotte Chauvet, située dans les gorges de l’Ardèche et classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Elle abrite des dessins vieux de 36 000 ans. Et pourtant, face à ces représentations, nous sommes touché·es. Catherine Belzung résume magnifiquement ce pont entre les siècles :
💬 « quand on voit des peintures rupestres qui ont été produites par des hommes il y a 25 000 ans, si je rencontrais cet humain actuellement, on ne pourrait pas se parler, puisqu’il parlerait une autre langue, il y aurait beaucoup de choses qui seraient différentes… Mais néanmoins, on se comprend : il est capable de me transmettre une émotion au travers de ces peintures qu’il a produites il y a des milliers d’années. »
🧬 Ce que l’art et la science nous disent ensemble :
Les émotions sont « le fondement-même de l’expérience humaine.
Catherine Belzung, épisode 2 du Podcast Le fil rouge des émotions
Parce que sans partage émotionnel, il n’y a pas de lien social.
Et sans lien social, il n’y a pas de société. »

Quelques mots d’enfant, et toute la puissance de l’art pariétal qui traverse le temps et touche encore les cœurs, quel que soit l’âge.
💡 L’émotion invitée de Catherine Belzung
Pour conclure cet échange, j’ai posé cette ultime question à la neuroscientifique :
Si les émotions étaient des invitées à votre table, laquelle aimeriez-vous apprendre à mieux connaître ?
Elle a répondu sans hésiter :
💬 « L’émotion esthétique. Parce que je pense que c’est la plus fascinante des émotions. La peur, la colère, on voit tout de suite à quoi ça nous sert dans notre vie quotidienne. Alors que l’émotion esthétique, c’est plus mystérieux, plus difficile à approcher, et du coup, ça suscite beaucoup plus de fascination… »
🧾 Ce qu’il faut retenir
Une émotion n’est pas seulement une réaction impulsive ou un débordement affectif.
C’est une construction fine, vivante, enracinée dans notre biologie et façonnée par nos relations.
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📚 Pour aller plus loin
➤ Catherine Belzung 🧠

Directrice de l’unité Inserm Imagerie, Cerveau et Neuropsychiatrie, elle coordonne également la Chaire Unesco en maltraitance infantile et est vice-présidente de la Société des Neurosciences. Elle enseigne à l’Université de Tours la neurobiologie du comportement, la biologie des émotions, des maladies mentales et les sciences cognitives.
📖 À lire en complément : Catherine Belzung a publié des centaines d’articles scientifiques ainsi que les ouvrages Neurobiologie des émotions, un format court et accessible, et Biologie des émotions, un ouvrage de référence plus dense, à destination des lecteurs·trices souhaitant approfondir le sujet.
🎧 À écouter en complément : Catherine Belzung a également été l’invitée de l’émission La Méthode scientifique sur France Culture, dans l’épisode « Que savons-nous de nos émotions ? ».
➤ Patrice Novaretti 👨⚕️

Médecin généraliste, titulaire d’une capacité en médecine et biologie du sport, il s’est également formé aux troubles du sommeil.
Son approche globale du soin intègre les dimensions psychiques et relationnelles, et accorde une place importante à l’affirmation de soi comme levier de bien-être.
➤ Lison Novaretti 📚

L’autrice de cet article.
Je suis professeure de lettres classiques, référente harcèlement scolaire, je suis formée à la Communication NonViolente (CNV®), aux neurosciences appliquées aux apprentissages et au développement des compétences psychosociales.
J’explore en classe et sur ce blog les ponts entre littérature, émotions et sciences.
🙏 Remerciements
➤ Un immense merci à Catherine Belzung pour sa confiance, sa générosité et la richesse de cet échange. Catherine, merci d’avoir pris le temps de parcourir le blog et d’avoir accepté notre invitation, malgré un emploi du temps chargé.
➤ Merci à Marius pour sa participation au montage de cet épisode.
➤ Merci à Michael Pellegrini pour sa création sonore sur-mesure.
➤ Merci à Sophie Le Penher pour son illustration du développement du cerveau et de ses différentes zones.
- Antonio R. Damasio, Descartes’Error : Emotion, Reason, and the Human Brain, New York, Putnam, 1994. ↩︎
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