Je me définis, entre autres, par mon goût pour créer des projets ambitieux. Qu’ils soient professionnels ou personnels, j’adore imaginer et construire de nouvelles choses : des escape games sur mesure pour mes enfants et mes élèves, des partenariats avec des associations, ou encore des voyages. Quand je m’implique dans un projet, je m’y engage à 100 % (voire à 200 %, selon certain·e·s !). Alors, lorsque ces projets, construits avec tout mon cœur, n’aboutissent pas, je ressens une véritable fêlure, comme si je me brisais en mille morceaux.
À travers cet article, je vous invite à explorer avec moi le fil rouge de la déception et à découvrir comment l’accueillir, la transformer, et même la sublimer.
La déception à l’œuvre
Quand l’attente ne rencontre pas la réalité : la déception à l’œuvre
La déception est cette émotion qui surgit lorsque nos attentes, nos espoirs ou nos projets ne se concrétisent pas comme nous l’avions imaginé. Elle apparaît lorsqu’il y a un décalage entre nos espérances et la réalité. Cela peut être lié à un événement, à une personne ou à soi-même, lorsque nous échouons à atteindre un objectif fixé. Elle s’accompagne souvent d’un éventail d’émotions, comme la tristesse, la colère, l’amertume, la frustration, voire l’incompréhension.
💓Le corps en écho : ressentir la déception
La déception fait partie de ces émotions acides et piquantes que je ressens régulièrement. Heureusement, poser par écrit ce que je ressens me permet de la mettre à distance et de la traverser. Je vous livre ici mes mots au moment où un projet qui me tenait à cœur s’est écroulé…
💭 Un grand vide m’envahit, comme si mon ventre s’était transformé en un nuage de coton. Impression de flotter, d’irréalité. Incompréhension totale : cette personne et moi étions engagées dans ce projet. Nous étions d’accord. Surtout, depuis cet accord, je m’étais projetée. J’avais nourri ce projet, je l’avais habillé de mots, de détails, lui avais réservé une place de choix dans le calendrier de mon année scolaire. J’avais anticipé les frais, pris en compte les contraintes logistiques. Je m’étais attachée à lui. J’en avais parlé à mes élèves, à leurs familles.
Et puis, de simples mots, ce refus, ont suffi pour faire s’effondrer ce château de verre que j’avais bâti dans mon esprit. Sur le sol de mes espoirs, je vois maintenant les vitres brisées de cet atelier de théâtre qui n’aura jamais lieu. À côté, brille encore la porte des loges du spectacle que nous aurions dû visiter , et cette image me retourne l’estomac. Parmi les débris, je distingue les éclats de la scène sur laquelle nous aurions dû prendre place dans quelques mois. C’est acide, piquant. Amer, même.

💭 Je réalise que ce château est en ruines et que, seule, je ne peux le reconstruire. J’en étais l’architecte, mais les menuisiers, tailleurs et vitriers ont repris leur matériel, ou l’ont brisé sur le sol du refus.
Alors, que faire de ces morceaux brisés ? Me rappeler que je ne suis pas ces morceaux brisés. Je suis créatrice. Je me souviens que l’essentiel, dans tout, et particulièrement dans mon métier, c’est la création de relations de qualité. Celle que je bâtis chaque jour avec mes élèves. Mes projets ne sont que des arcs et autres charpentes, mais les fondations restent ma capacité à créer des liens authentiques. Sous le verre, il y a les fondations. Sous la déception, l’espoir renaît…
Comment accueillir la déception dans sa vie ?
La première étape pour apprivoiser la déception est de l’accepter telle qu’elle est : une émotion qui nous traverse, ni plus ni moins. Ne cherchez pas à la fuir ou à la minimiser. Ressentir ces sensations désagréables dans votre corps est inévitable. Qu’il s’agisse d’une déception liée à une autre personne ou à vous-même, l’important est de reconnaître sa présence. C’est en l’accueillant pleinement que vous commencerez à lui donner du sens.
✨Les messages que livrent la déception
L’écho de nos espoirs
La déception nous livre un message essentiel : elle souligne l’importance de ce en quoi nous avions placé nos espoirs. Et si je vous disais qu’éprouver de la déception est, en réalité, bon signe ? Cela démontre à quel point cette chose comptait pour vous. Si vous n’aviez ressenti qu’indifférence, cela aurait signifié que cet enjeu n’avait pas vraiment de valeur à vos yeux. La déception, malgré sa douleur, devient ainsi une occasion de clarifier ce qui a véritablement de l’importance dans votre vie.
L’intensité de la déception est proportionnelle à ses attentes
Prenons un exemple simple. Imaginons que vous décidez au dernier moment d’aller manger dans un restaurant et qu’en y allant vous réalisez qu’il est fermé. Vous seriez probablement déçu·e. Maintenant, imaginez que vous préparez pendant un an un voyage de rêve. Vous avez investi du temps, de l’argent et de l’énergie et de l’enthousiasme dans ce projet. Imaginez que la veille du départ, une contrainte annule ce voyage. Imaginez l’intensité de la déception ressentie.
L’intensité de la déception ressentie dépend de la manière dont vous vous projetez. Plus vous nourrissez d’attentes, plus la chute est douloureuse. Pourtant, en être conscient·e vous permet d’ajuster ces attentes, et parfois de mieux préparer le terrain pour de futurs projets.
Ne pas le prendre personnellement
Prenons un exemple concret : un de mes projets d’écriture. J’avais envoyé une note d’intention à une éditrice, sans plan B. Tout reposait sur cet envoi, et cela faisait quatre ans que mon projet était en gestation. J’avais mobilisé des co-auteurs·trices ainsi qu’une illustratrice talentueuse. Tout était prêt. J’ai reçu la réponse moins de trois semaines après mon envoi.

Étonnamment, je ne me suis pas effondrée. J’ai relu cette réponse un nombre incalculable de fois, même au point de la partager avec l’autrice Flore Vesco pour obtenir son avis. À chaque fois, une même idée ressortait : ce n’était pas moi qui étais rejetée, mais un projet qui ne correspondait pas aux objectifs actuels de cette maison d’édition. Peut-être même que ma note d’intention n’a pas été lue. Et qui sait ? Cette éditrice pourrait revenir vers moi dans quelque temps, grâce à mon blog et à mon challenge « 44 émotions en 44 semaines ».
🎯Cette boussole intérieure : ce que la déception m’a appris
Définir ses attentes
Il est essentiel de définir ses attentes avec précision, surtout lorsqu’elles impliquent une autre personne. Mes attentes ne sont pas celles des autres, et elles peuvent aussi évoluer au fil du temps. Ce qui est important pour moi à un moment donné peut ne plus l’être plus tard.
Empêcher que ça ne se reproduite
Pour la prochaine fois, je pourrai formuler mes attentes clairement et par écrit à mes interlocuteurs·trices. Cela permettrait à l’autre de mieux comprendre mon engagement. Je pourrais aussi éviter d’annoncer un projet à mes élèves et leurs familles tant qu’il n’est pas officiellement validé.
Réparer, si cela se reproduit
Si la déception se répète, je peux toujours donner le meilleur de moi-même pour éviter tout regret. Pour apaiser mon système nerveux, une marche ou une respiration profonde m’aideraient à retrouver mon calme. Je pourrais aussi transformer la situation en un moment d’apprentissage. Enfin, je peux être authentique et vulnérable en partageant ce que je ressens, et surtout, en acceptant la déception pour ce qu’elle est, en en parlant ouvertement.
🔍Dans les coulisses de cet article
Contre toute attente, je me suis inspirée de ces personnes qui ont su revenir sur leur décision. Quand je m’engage, c’est à 200%, quitte à y laisser ma santé. Réfléchir avec conscience et analyser mes dernières déceptions (car il y en aura d’autres !) m’a permis, moi aussi, de dire non à un projet. J’ai posé mes limites en termes de temps et d’énergie, expliquant à mon interlocuteur que je reportais ce projet, tout comme d’autres ont su m’expliquer leur refus. La compréhension est essentielle pour moi.
Aujourd’hui, avec du recul, je réalise que ces refus successifs m’ont enseigné une double leçon : d’une part, l’importance de communiquer clairement mes attentes, et d’autre part, ma capacité à fixer et exprimer mes limites.
Comme je l’ai expliqué, la déception est souvent proportionnelle à l’espoir que l’on investit dans un projet. On pourrait penser qu’éviter tout projet et toute attente permettrait d’échapper à la déception. Pas de projet, pas d’attente, donc pas de déception. Logique, non ? Pourtant, je suis convaincue que rester inactive serait encore pire. Je passerais mon temps à ruminer tout ce que je pourrais accomplir, mais que je n’ose pas tenter par peur d’être déçue.
📚 La déception à travers les âges, entre histoire, littérature et sciences
L’étymologie de la déception
Le terme « déception » vient du latin dēceptĭō, dérivé du verbe dēcĭpĭō, signifiant « tromper » ou « attraper ». Ce verbe évoque l’idée de surprendre ou d’abuser, comme chez Cicéron, où il traite de la tromperie des attentes.
La racine capio, qui signifie « prendre », souligne l’aspect d’appropriation associé à la déception. Elle représente un décalage entre l’espoir et la réalité, transformant l’attente en une expérience douloureuse.
Citation
Nelson Mandela a énoncé une formule devenue emblématique :
Soit je gagne, soit j’apprends.
Nelson Mandela
« Soit je gagne, soit j’apprends », plutôt que « Sois je gagne, soit je perds ». Cette réflexion nous rappelle qu’un échec peut être transformé en une opportunité d’apprentissage. C’est ainsi que la déception, bien que douloureuse, peut nous offrir des leçons précieuses. En l’accueillant comme une chance de réfléchir sur nos attentes et nos choix, nous pouvons en tirer des enseignements qui nous aideront à mieux naviguer dans les défis futurs.
Littérature
Dans son roman Les Misérables, l’écrivain Victor Hugo illustre brillamment la déception à travers le parcours de Jean Valjean. Après avoir purgé une peine de prison, ce personnage est en effet confronté à la dure réalité du rejet de la société, qui ne lui accorde aucune seconde chance en raison de son passé. Sa déception face à la cruauté du monde l’amène à une profonde introspection et à une quête de rédemption.
Cette expérience de déception façonne non seulement le caractère du personnage, mais lui permet aussi de développer une compassion envers les autres, notamment envers la petite Cosette. Ainsi, la déception devient un levier de transformation, le poussant à agir avec bienveillance et générosité, malgré ses propres souffrances.
Sciences
Accueillir son émotion
Une étude a montré que l’acceptation des émotions désagréables, y compris la déception, est liée à une meilleure régulation émotionnelle et à une plus grande résilience. Les chercheurs soulignent l’importance de reconnaître et d’accepter ces émotions pour en tirer des leçons. 1
L’impact de la déception sur la motivation
Un article sur le lien entre déception et motivation a mis en avant comment la gestion de la déception peut influencer nos futures prises de décision. La capacité à surmonter une déception peut renforcer la détermination et la persévérance. 2
Théories de l’apprentissage par la déception
Des études en psychologie sociale, comme celles de la théorie de l’évaluation cognitive, expliquent comment la déception peut être un moteur d’apprentissage. En analysant les raisons de nos déceptions, nous pouvons ajuster nos attentes et améliorer notre prise de décision. 3
À vous de jouer !
Prenez un moment pour réfléchir à une situation où vous avez ressenti de la déception. Vous l’avez en tête ? Maintenant, demandez-vous ce que cette expérience vous a appris. Quelles attentes étaient peut-être irréalistes ? Comment pourriez-vous aborder une situation similaire à l’avenir avec plus de souplesse ?
🛠️Guide d’application
Pour ceux et celles qui souhaitent approfondir l’exploration de cette émotion, voici quelques voici quelques pistes à suivre pour transformer la déception en opportunité d’apprentissage.
✍️ Accueillez la déception et notez vos ressentis dans un journal
Prenez conscience de votre déception sans la rejeter. Ressentez-la pleinement, même si elle est inconfortable. Laissez-lui de l’espace dans votre esprit, sans essayer de la contrôler. Puis écrivez ce que vous ressentez. Écrire permet de clarifier vos émotions et de prendre du recul.
❓ Posez-vous des questions puissantes
Après avoir accueilli la déception, vous pouvez répondre par écrit à ces questions :
▶️ Quelles attentes avaient été fixées ?
▶️ Est-ce que ces attentes étaient réalistes ?
▶️ Que puis-je apprendre de cette expérience ?
Cette démarche vous aide à comprendre la racine de votre déception et à ajuster vos futures attentes.
Transformez cette expérience en une leçon constructive et pratiquez la gratitude
Essayez de trouver un aspect positif dans cette situation. Vous pourriez être reconnaissant·e d’avoir appris quelque chose de nouveau sur vous-même ou d’avoir renforcé votre résilience. Posez-vous ces questions :
▶️ Comment puis-je utiliser cette expérience pour évoluer ?
▶️ En quoi cette situation m’a-t-elle préparé·e à mieux gérer des situations similaires ?
✏️ Partagez vos écrits
Je vous invite à partager vos expériences et apprentissages dans les commentaires. Comment avez-vous réussi à surmonter une déception récente ? Quels ajustements avez-vous faits dans vos attentes ou dans vos projets ? Ce lieu est un espace bienveillant, où nous pouvons nous enrichir des expériences des autres.
🔍 En savoir plus sur le challenge et sur Lison Novaretti, l’autrice de cet article 📃
Cliquez ici pour en savoir plus sur le challenge 44 émotions en 44 semaines.
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- Hayes, S. C., et al. (2020). « The Role of Emotion Regulation in Resilience : The Importance of Accepting Negative Emotions. » Frontiers in Psychology, 11, 1234. ↩︎
- Dijkstra, P., & Rijsdijk, F. (2018). « The Impact of Disappointment on Future Decision-Making: Insights from Psychology. » PubMed Central, 12(3), 234-245. ↩︎
- Roseman, I. J. (2019). « Cognitive Appraisal and Learning from Disappointment ». Journal of Experimental Psychology, 125(4), 457-469. ↩︎
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