Il y a des moments suspendus dans le temps, des instants qui nous nourrissent et nous portent pendant des heures, des jours… ou même bien plus longtemps ! L’un de ces moments, je l’ai vécu sur la scène nationale de La Garance, à Cavaillon.
Ce jour-là, mes élèves latinistes de 3e ont remporté le premier prix dans la catégorie « Présentation d’un projet de lecture mis en œuvre au sein d’une classe », lors du Concours de lecture à voix haute, organisé par les inspecteurs de l’Éducation Nationale Patrick Cénent, Karen Henry-Buratti et Alain Guerpillon.

477 spectateurs et spectatrices, des textes engagés, des lectures sensibles, une ovation finale : un moment fort de littérature vivante, partagée, incarnée.
Les extraits choisis ? Pallas de Marine Carteron et Les exilées de Troie de Pat Barker. Deux réécritures puissantes, qui redonnent voix aux héroïnes antiques, longtemps restées dans l’ombre.

Voir mes élèves insuffler leur souffle à ces figures féminines, avec tant de justesse, tant de sensibilité et d’audace, m’a profondément émue. Ces ados ont pris la parole avec le cœur, porté les textes avec conviction, franchi la barrière invisible du dépassement de soi. Et moi, assise dans l’ombre, le cœur battant, les yeux brillants, j’ai ressenti cette fierté immense. Celle qui relie, qui élève, qui rappelle pourquoi j’aime tant être professeure : tisseuse de mots, d’émotions, de liens.
Ce concours a été bien plus qu’un simple événement. Il a été une aventure humaine et intense, une expérience de transmission et de confiance.
Dans cet article, vous l’aurez compris, je vous invite à dérouler avec moi ce fil rouge vibrant : celui de la fierté…
💓 Le corps en écho : ressentir la fierté
Comme toujours sur ce fil, je partage avec vous les mots que j’ai couchés dans mon cahier… Je les ai écrits, encore toute émue, le soir même du concours.

✍️ Cela fait des heures que je souris sans pouvoir m’arrêter. J’ai le soleil jusqu’aux oreilles – enfin, le sourire ! (beau lapsus…).
Dans mon ventre, une douce chaleur, des pétillements de joie et d’excitation. Mon cœur au bord de l’explosion. Mon torse bombé. Dans ma tête, les images tournent en boucle : l’instant suspendu où mes élèves ont lu avec tant de justesse, le moment où les juges ont rendu leur verdict, la photo immortalisant nos visages rayonnants sur la scène. Dans mes oreilles, résonne encore la musique de Michael Pellegrini, écho vibrant de ce moment gravé en moi.
Je ressens un profond sentiment d’accomplissement, après tout ce travail mené depuis des mois. Je suis tellement, tellement fière de mes élèves de 3e, latinistes que j’accompagne depuis la 5e et que j’ai appris à connaître au fil des jours.
Aujourd’hui, mes élèves m’ont transportée. Leur meilleure performance ? Celle d’aujourd’hui. Sur ce plateau, mes 3e latinistes ont tout donné. Je savais qu’ils·elles seraient bon·ne·s… mais pas à ce point. Leur bienveillance mutuelle, la fluidité de leurs mots résonnant avec puissance dans la salle comble, la fierté qu’ils·elles dégageaient sur scène, leur conviction à partager leur lecture : tout était saisissant.
Et moi, j’avoue, sur cette page, qu’au milieu de l’incommensurable fierté que je ressens pour mes élèves, il y a aussi une part de fierté pour moi. Fierté d’avoir tout mis en œuvre pour les accompagner jusqu’ici. D’avoir cru en elles·eux quand, elles·eux-mêmes, n’y croyaient plus, quand l’espoir semblait s’effacer. Fierté d’avoir pensé à chaque détail aux côtés de la classe de 3e latinistes : les textes, les enchaînements, les regards, les placements, la bande-son. Fierté d’avoir co-construit cette performance sur-mesure. Fierté d’avoir contribué à offrir ce moment suspendu.
Bien plus que le podium, c’est la fierté du chemin parcouru ensemble qui m’emplit le cœur. J’ai transmis à mes élèves ce en quoi je crois profondément : la rigueur et le plaisir peuvent coexister. Et surtout, j’espère, une confiance en elles·eux qui les accompagnera longtemps.
Je suis si fière, si fière de leurs progrès !Quand le prix a été annoncé, j’ai senti mes larmes monter, mon nez picoter. Et j’ai laissé éclater les bulles qui bouillonnaient en moi. J’ai crié. Crié de joie. De fierté !
✨ Les messages que livre la fierté
➤ Une émotion d’ouverture
La fierté, comme la joie, déclenche un besoin de lien. De partage.

Pour ma part, j’ai ressenti l’envie profonde de serrer mes élèves dans mes bras, de raconter notre parcours à toutes celles et tous ceux qui ont croisé mon chemin ce jour-là : la chauffeuse de bus qui nous raccompagnait au collège, la principale adjointe — à qui j’ai annoncé la nouvelle en courant dans son bureau —, mes autres élèves, mes collègues, ma famille, mes amies…
➤ Une émotion proportionnelle à l’investissement
La fierté que nous ressentons est étroitement liée à l’investissement que nous avons fourni… et à la difficulté du défi relevé !
Pour le Concours de Lecture à voix haute, cette émotion était d’autant plus forte que l’investissement avait été intense : des mois de préparation, l’intervention de comédien·nes venu·es de Marseille, des répétitions minutieuses…

Et même des créations sur-mesure : mon élève Philomène avait confectionné des fleurs rouges en crochet, épinglées sur chaque participant·e en signe de cohésion

A cela s’ajoutait la difficulté du défi : prendre la parole sur scène, face à près de 500 spectateurs·trices. La fierté ressentie ce jour-là était donc à la mesure du chemin parcouru.
🧭 Cette boussole intérieure : ce que la fierté nous apprend
➤ Se dépasser

La fierté ne naît pas seulement du résultat final. Ce qui la rend si précieuse, c’est avant tout le chemin parcouru : la confiance gagnée, le courage cultivé, le dépassement de soi.
Je repense à cet échange avec mon élève Fares :
— J’ai bien fait d’insister pour que tu participes à ce projet…
— J’avoue… En fait, j’avais peur de ne pas réussir.
Je lui ai répondu que je comprenais bien : moi aussi, il m’arrive d’hésiter, de renoncer par peur d’échouer. Mais sans essayer, on est certain·e de ne jamais progresser. Et même un échec est une victoire en soi : celle d’avoir osé.
➤ Se relier aux autres
La fierté prend toute sa dimension lorsqu’elle est partagée. Ce jour-là, nous avons eu la chance de vivre cet élan collectif dans la salle, au milieu de toutes celles et ceux qui vibraient avec nous. Partager notre joie avec nos proches, nos amis, ou même avec des spectateurs inconnu·e·s, c’est multiplier cette émotion par mille.
Comme l’a écrit Christopher McCandless dans Into the Wild :
Le bonheur n’existe que s’il est partagé.

➤ Remplir sa valise de confiance en soi
Chaque victoire, grande ou petite, vient nourrir notre valise intérieure de confiance. À chaque expérience comme celle-ci, nous bâtissons des fondations solides, tissons des souvenirs auxquels nous pourrons nous raccrocher les jours de doute. Une valise précieuse, remplie non d’objets, mais de petites et de grandes victoires, de grandes émotions.
J’aimerais vous parler de mon élève Jade. Je la connais depuis la 5ᵉ : discrète, aussi réservée qu’une fleur qui hésite à s’ouvrir. Au fil du temps, je l’ai vue éclore, doucement. En 3ᵉ, elle a eu le courage de se proposer pour représenter la classe au concours, lorsque je cherchais des volontaires. Lors de la deuxième répétition avec la Compagnie L’Individu, pourtant, le trac a pris le dessus : ce jour-là, impossible pour elle de lire à voix haute. Et pourtant, le jour du concours, face à près de 500 spectateurs…Jade a brillé ! Elle a trouvé en elle la force d’oser, de se dépasser.

Sa camarade Lou lui a même dit après sa prestation :
J’en ai eu des frissons !
Aujourd’hui, Jade repart avec un trésor : la preuve éclatante qu’elle est capable d’affronter ses peurs. Un souvenir précieux qu’elle pourra rouvrir chaque fois qu’elle en aura besoin…
🔍Dans les coulisses de cet article
🎬 Le reportage de France 3 Provence-Alpes

Cerise sur le gâteau : un reportage sur cette journée a été diffusé sur France 3, dans l’édition du 19/20 !

Trois mois avant le grand concours, portée par l’élan du projet, j’avais envoyé un message à France 3 pour leur raconter notre aventure : redonner vie aux héroïnes antiques à travers un concours de lecture à voix haute. Pas de réponse… jusqu’à deux jours avant l’événement : coup de téléphone. Virginie Ducroquet, rédactrice en cheffe adjointe de France 3 Provence-Alpes, m’annonçait qu’elle était séduite par l’idée, et qu’elle enverrait une équipe de tournage ! Le jour J, nous avons ainsi retrouvé les journalistes Loïc Perrier et Emmanuel Zini à nos côtés, ainsi que leur stagiaire Chloé.

En plus du concours, mes élèves ont découvert une autre facette : les coulisses d’un reportage télévisé. Certain·es avaient déjà vécu une expérience de tournage grâce aux pockets films réalisés au collège avec Steeve Calvo (un article sur le film « Pleurer, c’est pas un bug » est disponible ici).

Mais cette fois, c’était une toute autre dimension. Ce qui a rendu l’expérience encore plus forte : aucune deuxième prise. Pas de filet. Que ce soit sur scène ou devant la caméra de France 3, tout devait être juste, vivant, authentique… dès la première fois !

Un défi supplémentaire, relevé avec brio, et un souvenir de plus dans notre valise de confiance.

✨ Apprivoiser la fierté
Pour ma part, j’ai longtemps eu du mal à ressentir de la fierté pour moi-même. Je considérais que ce que je faisais était normal : si j’en étais capable, alors n’importe qui devait pouvoir le faire également. Je ne ressentais aucune fierté. Pire, j’associais fierté et prétention.
Puis je suis devenue professeure. Puis maman. Et j’ai découvert ce sentiment de fierté en observant les progrès de mes élèves et de mes enfants : d’abord pour elles·eux, puis, peu à peu, pour moi, en tant que guide et accompagnante sur leur chemin.
Comme me l’a écrit mon amie Mathilde :
« Tu es une semeuse professionnelle de graines d’avenir. »
Aujourd’hui, c’est encore un effort pour moi de me dire que je peux être fière de moi. Mais je suis sur ce chemin. Non pas celui de la prétention ou de la hauteur, mais un chemin plus doux : celui de la reconnaissance de certaines de mes qualités.

Et surtout, ce qui me tient le plus à cœur, c’est d’aider mes élèves et mes enfants à ressentir cette fierté pour leurs propres accomplissements. Car bien souvent, on a besoin d’un regard extérieur pour mesurer le chemin parcouru. Moi qui sais d’où ils·elles partent, je serai toujours là pour leur rappeler combien leurs progrès sont précieux et méritent d’être célébrés.
📚 La fierté à travers les âges, entre étymologie et sciences
🧐 Étymologie et histoire du mot fierté
Le mot fierté plonge ses racines dans le latin feritas, -atis (féminin), qui signifiait à l’origine « sauvagerie », « férocité », « barbarie ». Feritas renvoyait à un comportement brut, indompté, presque animal, éloigné de toute forme de civilisation ou de politesse. Par exemple, dans les textes latins, on qualifiait de feritas l’attitude des peuples considérés comme barbares, ou encore l’âpreté des bêtes sauvages.
À travers les siècles, ce mot a progressivement glissé vers d’autres significations, plus humaines et plus nuancées. Le caractère dur et impitoyable s’est adouci pour décrire d’abord une forme d’intransigeance morale : celle de ne pas se laisser humilier, de préserver sa dignité face aux autres. De là est née une interprétation laudative de la fierté : elle est devenue le signe du respect de soi-même, de l’attachement à ses valeurs, de la satisfaction fondée d’un amour-propre légitime.
Mais l’évolution du mot ne s’est pas arrêtée là. Dans certains contextes, la fierté a également pris une connotation plus négative : elle a pu désigner l’orgueil mal placé, celui d’une personne persuadée de sa supériorité, affichant des attitudes hautaines, méprisantes, voire dédaigneuses. Ainsi, en français classique, l’adjectif fier pouvait désigner une personne arrogante ou dure, sans nuance flatteuse.
Aujourd’hui encore, l’ambiguïté demeure : être fier·e peut être perçu comme une qualité ou comme un défaut, selon la manière dont cette fierté s’exprime. Dans mon propre cheminement, cette double dimension a longtemps teinté ma relation avec cette émotion…

1. la correction et la fluidité de la lecture dans le temps imparti ;
2. le rythme et l’expressivité ;
3. l’appropriation du texte et la transmission au public d’émotions.
📜 Citation
Parce que cette aventure m’a rappelé à quel point croire en soi et en ses projets est essentiel, je voudrais partager avec vous ces mots d’Oprah Winfrey qui résonnent particulièrement pour moi :
Oprah Winfrey
When you undervalue what you do, the world will undervalue who you are.
(Lorsque tu sous-estimes ce que tu fais, le monde sous-estimera qui tu es.)
Nous avons osé croire en nous. Et, ensemble, nous avons semé, grandi, et récolté bien plus qu’un prix : de la confiance, de la force, et une fierté qui nous accompagnera longtemps.
🔬 Les bienfaits scientifiques de la fierté

Des études publiées dans Pubmed montrent que ressentir régulièrement de la fierté saine (celle liée à l’effort et non à l’arrogance) stimule la libération de dopamine et renforce l’activation du cortex préfrontal – la zone du cerveau qui gouverne les prises de décision, la motivation et la persévérance. Ressentir de la fierté, c’est donc entraîner notre cerveau à oser plus souvent, à persévérer davantage.
➤ La fierté renforce la motivation et l’engagement
La fierté ressentie après un accomplissement personnel, stimule la motivation intrinsèque et l’engagement dans les tâches futures. Elle incite à poursuivre des objectifs ambitieux, favorisant ainsi la persévérance et la réussite.
Une étude a distingué la fierté authentique (basée sur des réussites personnelles) de la fierté arrogante. La fierté authentique est fortement associée à la motivation à long terme, la persistance, l’autodiscipline, et des comportements prosociaux.
➤ La fierté améliore les fonctions exécutives
Des recherches ont démontré que la fierté peut avoir un impact positif sur les fonctions exécutives du cerveau, telles que la mémoire de travail, la flexibilité cognitive et le contrôle inhibiteur. En induisant un état émotionnel positif, la fierté facilite la concentration et la prise de décision, améliorant ainsi les performances cognitives dans diverses tâches.
➤ La fierté favorise la résilience et le bien-être général
Selon la théorie du broaden-and-build, les émotions positives comme la fierté élargissent notre répertoire de pensées et d’actions, construisant ainsi des ressources durables telles que la résilience, l’optimisme et le soutien social. Cette expansion cognitive et émotionnelle contribue à une meilleure adaptation face au stress et à une augmentation du bien-être général.
🛠️ Guide d’application
Voici quelques pistes simples pour nourrir votre fierté intérieure :
- Célébrez chaque petite victoire (même un pas minuscule vers votre objectif).
- Osez sortir de sa zone de confort (parler en public, tester une nouveauté…).
- Gardez une trace de vos réussites (un carnet de fierté).
- Partagez vos succès sans fausse modestie.
- Encouragez et célébrez les succès des autres autour de vous.
- Souvenez-vous : essayer, c’est déjà réussir.
Alors, à vous de jouer !
Et vous, quelles expériences ont rempli votre valise de confiance ?
Quels petits ou grands projets vous ont rendu·es fier·es ?
Je vous invite à partager vos réflexions ou anecdotes en commentaires.
🙏 Remerciements
Merci à Patrick Cénent, Karen Henry-Buratti et Alain Guerpillon d’avoir initié ce magnifique projet, dont les élèves garderont assurément un souvenir précieux dans leur cœur.
Merci à la Compagnie théâtrale L’Individu — Dana, Fabrizio, Kathy et Marie — pour leur accompagnement si juste, si attentif aux besoins de chacun·e.
Merci à Michael Pellegrini de nous avoir permis d’utiliser sa création sonore pour sublimer l’événement, et à l’équipe de régie du théâtre La Garance pour avoir permis à Chléa de dérouler les virgules musicales avec une précision parfaite.

Un grand merci également aux élèves en formation Bac Pro Métiers de la Sécurité et Bac Pro Accueil pour avoir assuré l’organisation et la sécurité avec sérieux et professionnalisme.
Une pensée toute particulière pour mes anciens élèves :
- Mansour, qui nous a guidés avec calme et efficacité tout au long de l’événement ;
- Julian, pour sa bonne humeur communicative.
Quel bonheur de vous revoir et de constater tout le chemin parcouru depuis votre passage au collège !
Merci à Virginie Ducroquet d’avoir accepté de donner vie à notre sujet, ainsi qu’aux journalistes Loïc Perrier et Emmanuel Zini ainsi que leur stagiaire Chloé pour leur bienveillance et leur enthousiasme lors du reportage, que vous pouvez retrouver à 17’37 sur cette vidéo.
Et enfin… un immense merci et bravo à mes élèves ! Merci de m’avoir suivie dans cette aventure, de m’avoir accordé votre confiance, et de vous y être lancé·es avec tant d’enthousiasme. Votre engagement, votre courage et votre énergie ont fait de ce projet une expérience inoubliable !
👁️ En savoir plus sur le challenge et sur Lison Novaretti, l’autrice de cet article

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