
Cela fait des années que j’ai appris à jongler entre mes différents rôles : professeure, épouse, maman, amie, fille, sœur, et tant d’autres. Cela fait des années que j’ai appris à orchestrer mes journées pour maintenir un équilibre… Néanmoins, cette semaine, un sentiment d’urgence m’a submergée, comme si toutes mes tâches dépassaient soudain les limites de mon temps et de mon énergie. Dans cet article, je vous propose de dérouler avec moi le fil du débordement et de découvrir comment j’ai appris à l’apprivoiser.
Une impression d’urgence : le débordement à l’œuvre
Cette semaine, j’ai enchaîné des tâches — prévues comme imprévues : un rendez-vous médical à décaler, des coups de téléphone professionnels à passer, une activité à organiser. À chaque fois, cette pensée m’a envahie :
💭 Il faut le faire au plus vite, ça ne peut pas attendre !
Et j’ai enchaîné les actions, sans m’arrêter… Pourtant, je m’étais promis de créer des moments de pause pour moi dans mes journées. Mon cerveau, lui, ne cessait de me répéter que je n’aurais jamais assez de temps pour tout faire, sauf à sacrifier mon sommeil, et donc ma santé. Les conséquences ? Une tension croissante, un sentiment d’éparpillement, et l’incapacité d’accomplir mes tâches avec sérénité. Heureusement, j’ai fini par réaliser que cette course contre le temps n’était qu’une histoire que je me racontais…
💓 Le corps en écho : ressentir le débordement
J’ai alors pris le temps d’écouter mon corps et de poser sur le papier les sensations et les pensées qui affluaient.

💭 Je ressens un sentiment d’urgence. Une oppression dans ma poitrine, mon souffle est court, ma gorge serrée. Des tensions dans la nuque. Comme une brûlure d’estomac. Une chaleur acide et acérée. Je perçois un spasme qui vient, puis repart. C’est oppressant, terriblement désagréable. J’ai l’impression de manquer : manquer d’air, manquer de temps, manquer de ressources pour tout accomplir. Une sensation diffuse d’étouffement, comme si j’étais broyé par le temps qui ne cesse de courir et dont je ne maîtrise pas le cours. Incapacité de prioriser. Tout me semble urgent et important. L’impression de devoir tout faire, tout de suite, sans répit. Une course effrénée sans ligne d’arrivée, car il y aura toujours quelque chose de plus à ajouter. La peur me gagne : peur d’y laisser ma santé, peur de brûler mes ailes, peur de ne pas faire assez, peur de ne pas être assez. Pas assez efficace, pas assez attentionnée, pas assez maternante, pas assez professionnelle, pas assez organisée. Je me laisse emporter par des pensées qui s’emmêlent et s’accélèrent, me rappelant sans cesse ce temps qui file et qui ne reviendra jamais.
Les travaux du médecin et endocrinologue Hans Selye décrivent parfaitement les réactions physiologiques face au stress1. Lorsque nous percevons une surcharge, cela déclenche une réponse de stress qui puise de manière excessive dans les ressources de notre corps. Selye a démontré que ce stress chronique peut contribuer à des maladies telles que l’hypertension, les troubles cardiaques, et bien d’autres pathologies. Souvent, cette peur du débordement est alimentée par le perfectionnisme, cette croyance que tout doit être fait à la perfection, même au détriment de notre propre bien-être.
Quelle stratégie adopter pour s’en dépêtrer ?
Voici la question qui m’a permis de me libérer de cette toile d’araignée que j’avais moi-même tissée : comment concilier mon désir de tout accomplir avec sérénité ? Quelle stratégie adopter ?
Ma solution : créer des sas de repos, tout au long de mes journées. Vous vous demandez peut-être :
💭 Quoi ? Prendre des moments de « rien » alors que la liste des choses à faire ne fait que s’allonger ?
Oui. Cela peut sembler contre-intuitif, surtout quand tout paraît urgent. Pourtant, c’est précisément ce qui m’a permis de retrouver sérénité et confiance en ma capacité à prendre soin de moi. Ces pauses sont en réalité des respirations cognitives, comme le recommande le neuroscientifique Dr. Matthew Walker dans son ouvrage Why We Sleep2. Ces moments de régénération permettent en effet au cerveau de recharger ses batteries, améliorant ainsi sa créativité et son efficacité.

Avec conscience, les rituels que j’ai mis en place depuis plusieurs mois voire plusieurs années, sont devenus mes points d’ancrage : marcher le matin en pleine nature4, pratiquer la cohérence cardiaque5 à la pause déjeuner ainsi que méditer6, prendre une douche froide le soir7, lire avant de dormir8. Plutôt que de les supprimer pour « avoir plus de temps pour tout faire » (ce que j’ai souvent fait !), je m’y suis accrochée comme une naufragée à une bouée dans une mer déchaînée. En me faisant confiance pour dégager du temps pour ces moments de ressourcement, j’ai transformé la couleur de ma semaine. Au lieu de me laisser happer par les sirènes de l’urgence, je me suis sentie maîtresse de mon temps : je savais que, quoi qu’il arrive, je trouverais toujours du temps pour l’essentiel.

✨ Les messages que m’a livré le débordement
J’ai toujours le temps pour l’essentiel
Réfléchir sur le débordement m’a permis de réaliser que, malgré tout, j’ai toujours le temps pour l’essentiel. Voici un extrait de mon cahier d’écriture :
💭 STOP !
J’ai le temps.
Je prends le temps de m’arrêter, de regarder autour de moi, de respirer profondément. D’écrire. J’ai le temps pour pour jouer avec mes enfants, pour échanger un sourire, pour lire une histoire. J’ai le temps de m’émerveiller devant un lever de soleil, de penser à une amie pour retrouver douceur et apaisement, d’écrire un mot d’amour à mon mari, de passer un rapide coup de téléphone à ma maman, d’arroser mes plantes ou encore de caresser mes animaux.
J’ai le temps pour l’essentiel.


L’équilibre, entre rigueur et souplesse
Un matin cette semaine, je me suis réveillée plus tard qu’à l’accoutumée. Mes enfants étaient déjà levés et prêts à prendre leur petit déjeuner. J’avais pris l’habitude d’aller marcher avant ce moment en famille. Ce jour-là, j’ai fait le choix d’être pleinement présente avec eux, tout en m’engageant à marcher plus tard dans la journée. Cette simple décision m’a libérée de la pression et de la frustration qui ont affleuré en une fraction de seconde quand j’ai réalisé que je devais faire un choix. J’ai ainsi réalisé que, si la rigueur de mes rituels m’apporte stabilité, la souplesse est tout autant importante. En me faisant confiance pour adapter mes habitudes, j’ai trouvé l’équilibre nécessaire pour éviter de retomber dans le débordement.
🎯 Cette boussole intérieure : ce que le débordement m’a appris
J’ai compris que le débordement n’est pas un ennemi à combattre, mais un signal. Un signal que mon corps et mon esprit sont surchargés, et qu’il est temps de réajuster.
L’écriture : un outil pour gérer mes émotions
Écrire mes émotions en début de semaine m’a aidée à les identifier et à les apprivoiser. Lorsque je ressentais un serrement dans le ventre, je savais que c’était le signe d’un débordement imminent. Nommer mes ressentis me les rendait plus gérables, permettant ainsi de prendre des pauses avant que la situation ne devienne incontrôlable. Ce processus m’a révélé l’importance de reconnaître ses émotions pour éviter de se laisser submerger par elles.
Apprendre de mes erreurs et améliorer mes relations
Malgré mes réflexions sur la gestion des émotions, le débordement a continué à perturber ma semaine. Ainsi, j’ai tenté de gérer en même temps l’aide aux devoirs de mon fils et un message d’un élève qui n’avait pas compris une consigne. En essayant de tout faire simultanément, je n’étais pleinement présente ni pour l’un ni pour l’autre. Envahie par ce sentiment d’urgence, j’ai fini par quitter la pièce pour éviter de réagir négativement envers mon fils, qui n’était pas responsable de ma frustration. Plus tard, lorsque ma fille a eu besoin de moi dans une situation similaire, j’ai choisi de mettre de côté mon téléphone et de me concentrer pleinement sur elle. Tout s’est bien passé, et j’ai pris le temps de m’excuser auprès de mon fils pour l’incident précédent. Comme le dit le proverbe :
💭 Errare humanum est, perseverare diabolicum.
(L’erreur est humaine, persévérer dans l’erreur est diabolique).
Chaque erreur est une opportunité d’apprendre, et ces moments m’aident à améliorer ma relation avec moi-même et avec les autres.
Une chose après l’autre
Cette année, je partage ma salle de classe avec une collègue d’italien. À sa demande, j’ai libéré de l’espace dans une armoire commune, ce qui m’a inspiré à enlever une armoire entière pour créer un « mur des émotions ». Ce nouvel espace me permettrait d’écrire les émotions étudiées en classe en plusieurs langues. Cependant, cela a entraîné une conséquence inattendue : j’ai dû ramener une montagne de matériel chez moi, transformant mon bureau en un chaos total, au point que ma grand-mère aurait dit : « Une chatte n’y retrouverait pas ses petits ! » Ce désordre est devenu le reflet parfait de mon débordement intérieur.


Face à ce désordre, je me suis retrouvée paralysée : par où commencer ? Tout semblait urgent et important, ce qui intensifiait mon sentiment de débordement. J’ai décidé de m’attaquer au problème étape par étape. J’ai trié les livres en deux piles : à donner et à garder. Ensuite, j’ai classé les livres conservés par ordre alphabétique et les ai rangés. En procédant ainsi, tâche par tâche, j’ai transformé un bureau chaotique en un espace organisé. Cette méthode m’a rappelé qu’on peut toujours gérer le débordement en avançant progressivement, pour retrouver maîtrise et sérénité.
🔍 Dans les coulisses de cet article
Gérer le débordement a été un véritable défi pour moi. Après avoir pris le temps de ressentir ce trop-plein et de mettre des mots sur les sensations physiques qui l’accompagnent, je pensais que tout serait plus facile. Mais la réalité est loin d’être aussi simple ! J’ai découvert qu’il faut du temps pour instaurer de nouveaux automatismes. Plusieurs fois, je me suis laissée emporter par le tourbillon des tâches, et cela arrivera encore. Cependant, j’ai appris une leçon précieuse : il est essentiel de se traiter avec douceur et indulgence, comme le ferait une amie bienveillante (on est souvent beaucoup plus sévère avec soi-même qu’avec les autres).
J’ai aussi réalisé que créer des moments de pause, loin de me faire « perdre du temps », me rend plus créative. Ces espaces sont nécessaires, et il suffit d’en avoir conscience. Je suis confiante : avec le temps et la répétition, ces nouveaux rituels deviendront naturels, comme une graine qui finit par pousser.

Ce que je me rappellerai la prochaine fois que je me sentirai débordée :
💭 Je sais que je peux m’offrir une pause, comme par exemple prendre le temps de respirer calmement ou d’aller marcher. Respecter mon propre rythme est essentiel, tout comme apprendre à mettre à distance les opinions des autres.
📚 Le débordement à travers les âges, entre histoire et sciences
L’étymologie du débordement
Le mot « débordement » provient du latin debordare, signifiant littéralement « sortir de ses bords » ou « dépasser les limites». Ce mot évoque une surcharge, un trop-plein qui ne peut plus être contenu. En grec, un terme proche est hybris (ὕβρις), désignant un excès ou une démesure qui mène à la chute.
La tempérance
L’étymologie du débordement porte en elle une dimension de déséquilibre qui peut être réparée par la tempérance, ou sophrosyne (σωφροσύνη) en grec, considérée par les Anciens comme une vertu clé pour maintenir l’équilibre intérieur.
Sénèque, philosophe stoïcien, nous invite d’ailleurs à une introspection face à ces excès :
Ira non agit, sed reagit.
SÉNÈQUE, de Ira (De la colère), Livre II, chapitre 4
(Celui qui est en colère n’agit pas, mais réagit)
Cette citation s’applique parfaitement au débordement. Ne pas réagir dans l’urgence, mais prendre le temps de réfléchir avant d’agir est la clé pour désamorcer cette surcharge.
Le débordement dans toutes ses formes
Le débordement peut se manifester de trois manières :
✅ Le débordement émotionnel. Une surcharge émotionnelle qui entraîne des réactions disproportionnées comme des pleurs ou de l’irritabilité. Les émotions non traitées finissent par s’accumuler et peuvent exploser à des moments inattendus.
✅ Le débordement mental. Une surcharge cognitive, souvent causée par une accumulation de tâches ou d’obligations, provoquant un épuisement mental. Cette forme de débordement peut entraîner une difficulté à se concentrer, à prendre des décisions, ou encore à trouver des solutions.
✅ Le débordement physique. Le corps traduit le débordement à travers la fatigue, des tensions musculaires ou même des douleurs physiques. Lorsque les signaux émotionnels ou mentaux sont ignorés, le corps prend le relais pour manifester cette surcharge.
Ces formes de débordement sont interdépendantes et s’alimentent mutuellement. Pour briser ce cercle vicieux, il est important de reconnaître les signes et d’agir dès les premiers symptômes.
🚀À vous de jouer !
Je vous invite à prendre un moment pour réfléchir à une situation où vous avez ressenti du débordement. Fermez les yeux, respirez profondément et revivez cet instant. Comment cela s’est-il manifesté pour vous ? Qu’avez-vous ressenti, physiquement et émotionnellement ? Comment avez-vous géré cette surcharge, ou que souhaiteriez-vous avoir fait différemment ?
Je serais ravie de découvrir vos expériences et vos réflexions dans les commentaires.
🛠️ Guide d’application
Pour celles et ceux qui souhaitent aller plus loin dans l’exploration de leurs propres émotions et relever ce challenge à l’écrit, voici quelques conseils pour vous lancer.
✍️ Faites du débordement une occasion de grandir
Le débordement, loin d’être un obstacle insurmontable, peut devenir une source d’apprentissage et de transformation. Prenez du recul, analysez la situation et faites de chaque débordement une opportunité pour mieux vous comprendre et rééquilibrer vos priorités.
❓ Posez-vous des questions puissantes
Voici quelques questions pour explorer vos propres expériences de débordement :
▶️ Quels sont les signes avant-coureurs que vous ressentez lorsque vous êtes sur le point de déborder ?
▶️ Comment avez-vous géré ces moments dans le passé ?
▶️ Que pouvez-vous changer ou améliorer pour mieux les traverser ?
▶️ Quels sont vos essentiels ?
▶️ Comment pourriez-vous vous apporter de la douceur quand la vie s’emballe à 1000 à l’heure ?
✏️ Partagez vos écrits
Je vous invite à partager vos réflexions ou des extraits de vos écrits dans les commentaires. Cet espace est bienveillant, libre de jugement, et dédié à l’entraide. Ensemble, pas à pas, nous pouvons progresser dans la compréhension et la gestion de nos émotions.
🔍 En savoir plus sur le challenge et sur Lison Novaretti, l’autrice de cet article 📃
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Lison Novaretti
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- Selye., H. (1955). Science. Stress and disease.122 (3171), 625-31. ↩︎
- Walker, M. (2017). Why We Sleep: Unlocking the Power of Sleep and Dreams. ↩︎
- Le système nerveux contrôle et coordonne toutes les fonctions du corps, des mouvements volontaires aux processus automatiques comme le rythme cardiaque et la respiration. Il est également responsable de notre réponse au stress, d’où l’importance de le réguler pour maintenir un état de calme et d’équilibre. ↩︎
- Berman, M. G., Jonides, J., & Kaplan, S. (2008). The cognitive benefits of interacting with nature. Psychological Science, 19(12), 1207-1212. ↩︎
- Kurtz, L., & O’Neill, J. (2016). Heart rate variability biofeedback as a psychophysiological intervention for anxiety : A review. International Journal of Stress Management, 23(4), 352-368 ↩︎
- 52014° Meditation programs for psychological stress and well-being : A systematic review and meta-analysis. JAMA Internal Medicine, 174(3), 357-368; ↩︎
- Huttunen, P., Kallinen, M., & Kallio, M. (2004). The effect of cold water immersion on recovery from exercise-induced muscle damage. International Journal of Sports Medicine, 25(5), 335-339. ↩︎
- Jenkins, P. M., & Dawson, M. (2007). The effects of reading on sleep quality and duration: A review. Journal of Clinical Sleep Medicine, 3(3), 245-251 ↩︎
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